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Alassane Souleymane sur les 28 ans de la démocratie malienne : « La légitimité politique est la chose la plus rare dans la démocratie malienne»

Alassane Souleymane sur les 28 ans de la démocratie malienne : « La légitimité politique est la chose la plus rare dans la démocratie malienne»

Je me souviens qu’en 1991, nous étions de jeunes lycéens et les premiers militants de l’AEEM. Les manifestations contre le régime de Moussa Traoré faisaient légion aux côtés des autres associations du mouvement démocratique. C’était nouveau pour nous les assemblées générales, les doléances, suivre les négociations sur ces doléances, les compte rendus du comité directeur de l’AEEM qui se faisaient dans chaque établissement, les mots d’ordre de grève, les slogans.

Au fond de tout cela, la quête de liberté et de démocratie. Avec la fin du régime du parti unique, nous avions tous le sentiment d’être témoins de la fin d’une époque plus ou moins heureuse et le début d’une nouvelle et belle ère. Les chantiers à Bamako de routes et d’école, d’électrification étaient là pour appuyer ces espérances nouvelles. Il y a eu les élections, un président et des députés démocratiquement élus dans un contexte politique pluraliste tout nouveau. Dans ce champ politique, le renouveau était visible à l’œil nu avec le foisonnement de partis et les opinions étaient diverses et variées avec le pluralisme médiatique: journaux et radios se créaient chaque semaine partout où la volonté et les moyens financiers le permettaient.

Le choix libre d’adhérer au parti politique que l’on voulait marquait aussi ce renouveau.

28 ans après, que retenir ? Que l’embellie de la pratique politique née de la révolution de 1991 s’est fanée. Les élections bâclées de 1997 ont tout remis en cause. Ça pouvait être le balbutiement d’une jeune démocratie de 6 ans mais les corrections n’ont jamais pu être apportées. L’argent est rentré dans la politique. Et n’est jamais ressorti. On ne milite plus par idéologie, par choix politique, mais par la vente et l’achat des consciences, des votes, des voix. Les trahisons sont achetées et vendues à la vitesse de la lumière. Aujourd’hui les partis ne vendent plus de cartes de militants, les militants n’achètent plus leurs cartes de partis. Le militantisme ne naît qu’à la veille des élections et meurt le lendemain. Entre temps les candidats auront acheté leur élection et ne se sentent plus investis du devoir de reddition car ils auront acheté le droit d’être informés de leurs électeurs. La légitimité politique est la chose la plus rare dans la démocratie malienne.

La presse dont je suis membre n’est pas des plus reluisantes. Nous avons relevé le défi du nombre, de la quantité de journaux, de radios, et maintenant de télévision mais la qualité reste le plus grand défi. C’est un enjeu. Le virus est entré dès le début en 1989. Ce sont des militants politiques qui ont créé les premiers journaux. Des qu’ils ont accédé au pouvoir, ils ont oublié de consolider les acquis de la liberté de la presse en misant sur la promotion de vrais journalistes, bien formés pour être des directeurs de publication et de journalistes de terrains aux normes, protégés par la loi et la profession. Nous avons de grands journaux, des radios de grande audience, de grands journalistes connus sur le continent mais ce n’est pas suffisant pour avoir un blason doré.

La première école publique de journalisme ne sortira sa première promotion qu’en 2020. Donc 28 ans après l’avènement de la démocratie. Cette absence d’institution scolaire publique est la grande explication d’absence de convention collective pour protéger les journalistes. Mais mieux vaut tard que jamais. 28 ans c’est beaucoup pour un parcours mais pas pour la maturité. Il est temps de prendre conscience de ce parcours, de ses acquis et de ses ratés. Et corriger les erreurs. La pratique politique doit retrouver ses vertus cardinales reposant sur la protection du devoir de militer par ses convictions idéologiques, du contrôle judicieux de la dépense des subventions publiques aux partis, de la moralisation à la fois des actions et des comptes. Ce sera par les acteurs politiques eux mêmes. La redevabilité doit être de mise sur toute la ligne.

Au niveau de la presse, la formation professionnelle continue doit être de mise afin de garder le cap des bons usages professionnels. Pour le reste, la corruption, le népotisme, l’incivisme sont de grands champs à investir pour décrire les grands maux de la démocratie. D’autres sûrement en parleront. Rien n’est pourtant perdu mais la prise de conscience sur les risques est lente. Tout est là ! ».

Propos recueillis par B. KONE

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