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Chronique sur le terrorisme au Mali : La négociation de trop avec des islamistes radicaux

Chronique sur le terrorisme au Mali : La négociation de trop avec des islamistes radicaux

Notre pays est plus que jamais buté à un problème existentiel qui met à rude épreuve ses fondements. La crise multidimensionnelle que traverse le pays menace désormais sa survie en tant qu’appareil d’Etat et Etat-nation. La conjecture internationale qui fut à un moment donné caractérisée par un regain de santé relative de l’économie mondiale (dont la bonne santé de l’économie malienne est tributaire du fait de son caractère rentier et de sa forte dépendance aux aides des pays nantis) suite à la grande crise des sub-primes de 2008 et surtout l’actuelle pandémie de la covid-19. Depuis le coup d’Etat de mars 2012, le Mali n’a cessé sa désintégration programmée telle une « cocotte-minute » gangrenant toutes les sphères économiques, sociales, politiques et religieux. Le semblant de stabilité et d’équilibre social qui symbolisait le pays depuis l’époque des grands empires s’est envolé en mois de quelques années. 

Malgré la présence de la communauté internationale, la crise reste béante et semble à tout point de vue irrémédiable. L’un des acteurs majeurs pour ne pas dire l’une des causes principales reste et demeure l’islamiste radical et le terrorisme qui est sa manifestation. Phénomène presque inconnu (au moins de façon contemporaine) dans un pays où l’islam modérée est de mise, le terrorisme religieux islamiste ou le djihadisme s’est érigé en véritable bête noire de l’Etat moderne et de ses institutions durant les 8 dernières années de la crise malienne. Au-delà de ses ancrages immédiats au sein des populations plus ou moins marginalisées (groupes rebelles, catégories sociales négligées, frustrations économiques…) le terrorisme religieux islamiste n’est qu’un modus operandi aux mains de l’islam politique pour arriver à ses fins. En effet, du 11e siècle jusqu’aux jours présents, l’islam politique occupe une place importante dans les sociétés Ouest africaines. Des empires ou royaumes théocratiques ont été expérimentés par des leaders religieux adeptes d’un islam politique engagé et généralement inconciliable avec des valeurs judéo-chrétiennes héritées de la colonisation. L’empire Peul du Macina ou celui de Sokoto dans l’actuel Nigeria ont été parmi les plus prestigieux au début du 19e siècle.

Depuis 20015, la revivance de l’islam politique par la conquête militaire a commencé à faire jour avec la création du Front pour la Libération du Macina par le prédicateur de l’islam salafiste Amadou Koufa. Il déclara par la suite son allégeance à Ansar Dine de Iyad Ag Ghali un autre défenseur de l’islam radical. Depuis lors, l’union des deux personnalités constitue une force militaire nuisible au centre et aux zones frontalières avec la Mauritanie, le Burkina Faso, le Niger et la Cote d’Ivoire.

L’armée malienne impuissante n’arrive pas à venir à bout de quelques 400 à 700 fanatiques armées qui impose la charia et prenne des impôts dans une zone aussi grande que la France.  La nature humaine a tendance à s’accommoder aux obstacles à défaut de pouvoir l’éradiquer. En tout cas, c’est ce qui semble être une direction politique des autorités maliennes face à l’échec militaire pour défaire le djihadisme notamment dans le centre du pays. Par ailleurs, il semble même y avoir un assentiment national autour d’un dialogue avec Iyad AG Ghali et Amadou Koufa matérialisée par une recommandation du Dialogue National Inclusif tenu en décembre 2019. Beaucoup de spécialistes dans le domaine sécuritaire exhibent les cas des négociations entre autorités et groupes terroristes en Afghanistan et en Colombie. Ce qu’ils oublient, c’est que ces situations sont différentes de celle du Mali. L’Afghanistan a été dirigée par un régime taliban fondamentaliste religieux sous forme d’émirat islamique de 1996 jusqu’en 2001 avec l’intervention américaine. Avec cette assise politique de l’islam en termes de lois et de système de gouvernance il est presque impossible d’envisagé ce pays sans les talibans. Hormis la capital Kaboul, le reste du pays est fortement gouverner par des gouverneurs talibans et la charia.

En ce qui concerne la Colombie, il faut dire que les FARC avec leur idéologie Marxiste-Léniniste ont été militairement défaites par une armée colombienne assidue et aguerrie recevant des milliards de dollars d’aides des Etats Unis. Ajouter à cela la décadence idéologique des FARC (leur projet d’une communauté égalitaire et prospère n’avait presque plus de preneur parmi les paysans pauvres des forêts amazoniennes) ces derniers n’avaient plus autres choix que d’aller à la table des négociations offert par Cuba. Dans le cas malien, on est en droit de se poser certaines questions cruciales : Quelle motivation nos autorités ont pour négocier avec Iyad et Kouffa ? Qui va négocier pour la partie malienne ? Sur quoi les négociations vont porter ? Jusqu’où le Mali est prêt à aller pour obtenir un accord ? Iyad et Koufa et leurs mentors maghrébins et du moment orient sont-ils intéressés par un projet commun avec les autorités maliennes ? L’islam politique qu’ils prônent est-il compatible avec les valeurs sacro-saintes de la démocratie libérale ?

Nous allons nous atteler à répondre à ces inquiétudes tout au long de notre chronique consacrée à l’insécurité et au terrorisme au sahel.

À SUIVRE…

Daouda Kinda, spécialiste des questions diplomatiques et sécuritaires.

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