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Daouda Kinda : « Le Groupe Wagner ne gagnera pas la guerre contre le terrorisme au Mali »

Daouda Kinda : « Le Groupe Wagner ne gagnera pas la guerre contre le terrorisme au Mali »

La bataille fait rage désormais dans l’opinion publique malienne. Certains disent que les russes tant attendus vont venir, d’autres disent que ce ne sont que des mercenaires qui vont faire saigner nos maigres ressources encore une fois. Entre temps les autorités de la transition restent muettes comme une carpe.

Cela dénote, pour le moins, que la pente est glissante pour Bamako qui pourrait faire fâché beaucoup de ses partenaires occidentaux avec cette idée d’inviter ceux que certaines chancelleries occidentales qualifient de « chiens de guerre » de Poutine, le groupe Wagner dans ce sens. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Wagner ou bien même les russes pourront elles consentir aux mêmes sacrifices politiques, financières, humaines…que les partenaires occidentaux ? Wagner dispose-t-il de voix au conseil de sécurité de l’ONU pour appuyer la cause malienne sur la scène internationale ? Le professeur de sciences politiques américain de l’université de Chicago John mearsheimer disait : « Pour faire une guerre, l’élément essentiel c’est de comparer le coût de la guerre à son résultat ». Cette formule est valable pour les décisions politiques aussi. Les autorités militaires de la transition malienne ont-elles appliqué la formule à cette situation ? J’aimerais bien être dans la tête du président de la transition pour me rassurer étant donné qu’il a bâti, malheureusement, le « silence » sur des questions essentielles de la nation en politique générale et récurrente. Winston Churchill disait : « le silence est la réflex du faible dans une guerre ».

Pour bien appréhender la situation actuelle autour de cette idée de faire venir des troupes de mercenaires (puisqu’il s’agit bien de mercenaires du moment où c’est une armée qui n’est pas sous les ordres d’une autorité élue d’un état) il faut se départir en un temps soit peu des jugements d’émotions. Acclamé la Russie parce qu’on haie la France ne servira à rien. Le Japon a été le plus grand bourreau de la Chine, l’Allemagne de la France mais actuellement c’est des vrais partenaires économiques et même politiques à certains égards. On dirige une nation, surtout en crise comme la nôtre, autant avec le cœur qu’avec le cerveau. La relation contemporaine de la Russie avec les pays du Sahel et du Mali en particulier n’est pas aussi positive que ça à y regarder de près. L’armée russe est engagée à grande échelle en Syrie pour empêcher l’encerclement de la Russie des mères chaudes du Bosphore et de la Méditerranée essentielles à la projection des navires russes dans l’arrière-boutique de l’Europe et de l’Afrique du Nord. On est tenté dire que c’est de bonne guerre ! Mais qu’est-ce qui explique le refus de l’envoi de l’armée russe dans les pays du Sahel et le Mali en particulier ? Poutine fait-il bon usage de la formule du professeur John Mearsheimer cité en haut ? Ou bien les difficultés économiques de la Russie y sont pour quelques choses ? Entretenir une guerre en Syrie et dans le Sahel en même temps plomberait à coup sûr la fébrile économie russe qui reste beaucoup dépendante de l’énergie fossile et surtout de l’industrie militaire. L’histoire des guerres a montré que les pays pauvres en guerre ne sont pas bons payeurs des armes. Chacune des grandes puissances vendeurs d’armes a surtout besoin des pays acheteurs prospères, nantis, pour lui acheter le plus grand nombre d’armements possible. Les guerres interminables ne profitent qu’aux mercenaires. Sans guerres ils iront au chômage à coup sûr !

Par ailleurs, la position géopolitique de la Russie concernant beaucoup de zones de crise doit nous laisser très perplexe quant à sa sincérité en termes de collaboration. Joseph Stalin lui-même ne disait-il pas que : « la confiance est un luxe qu’un dirigeant ne peut pas s’offrir sur la scène internationale » ? En tout cas, si la Russie était un bon ami du Mali elle ne soutiendrait pas Haftar en Libye contre la position de l’U.A, qui est aussi celle du Mali officiellement, et elle s’opposerait pas à l’obtention d’un siège permanent à l’O.N.U par l’Afrique. Rien que ces deux exemples on se rend compte que les grandes puissances de ce monde n’ont pas intérêt que l’Afrique soit un véritable acteur géopolitique sur la scène internationale. En tout cas, avec l’ancrage énorme que les puissances occidentales ont dans les 2/3 des pays africains qui sont des « power house » géopolitique sur le continent (Afrique du sud, Kenya, Nigeria, Maroc, Algérie, Égypte…) la Russie et la Chine n’ont pas grand intérêt qu’un de ces pays puisse être une anti chambre des décideurs occidentaux au siège permanent de l’ONU. Pas plus tard que le mois dernier le Kenya se plaignait, lors d’une réunion du conseil de sécurité de l’ONU sur l’Afghanistan, que le groupe Al-shebab n’est toujours pas inscrit dans le règlement 1216 de l’ONU pour être reconnu comme entité terroristes à combattre. Le Kenya est gêné dans ses mesures antiterroristes contre Al Shebab à cause de ce manque de décision politique au sein du conseil de l’ONU. La Russie et la Chine peuvent décanter cette situation mais ne veulent pas le faire. Lors de cette même réunion la politique russe et chinoise par rapport au terrorisme semble se cantonner dans une confrontation géopolitique pour réduire l’influence des occidentaux dans les pays en proies à l’insécurité due au terrorisme. Aucune stratégie politique, économique ou scientifique, à l’endroit des pays comme le Mali pour juguler de façon pérenne le terrorisme et l’insécurité structurelle, ne semble être à l’agenda chez les deux puissances asiatiques. Dans cette bagarre géopolitique entre ces puissances, ce sont les pays pauvres comme les nôtres qui en payent les prix forts (sclérose de la dynamique décisionnelle du conseil de sécurité de l’ONU, activités malignes des puissances dans des pays faibles, guerres de désinformation entre puissances impactant l’opinion publique dans les pays du Sahel, scission et tensions dans l’opinion publique entre pro et anti occidentaux et russes…). Pour faire court, l’Afrique n’a pas besoin des éléphants qui se battent dans son jardin, elle a besoin de se servir de la force motrice de ces éléphants pour labourer sont jardin. L’insécurité a horreur de la mésentente et des crispations.

Ni la France, ni la Russie ni Wagner ne sauveront le Mali

Aucune de ces puissances n’a un agenda stratégique pour le Mali. Elles veulent toutes restaurer un système de dépendance du Mali vis-à-vis d’elles. Ni la France, ni la Russie ni Wagner ne sauveront le Mali. Notre pays n’est qu’une goutte d’eau dans les 8 millions de kilomètres du Sahel et sa sécurité dépend d’un effort commun de tous les pays de la sous-région. D’une source de financement endogène, constante, indépendante, de ses défis sécuritaires. Pour cela les pays du Sahel, ou encore mieux l’Union Africaine doit avoir voix au chapitre sur le terrain géopolitique mondial avec un siège permanent à l’ONU (pour ne serait-ce éviter une autre invasion à la libyenne des puissances occidentales) pour que les pays africains soient Maîtres de leur destin. La population africaine dépassera bientôt celle de la Chine en 2025, ça sera inconcevable qu’elle reste accrochée à la clémence de ses anciens colonisateurs comme la France et la Grande Bretagne sur des questions sécuritaires au sein du conseil de l’ONU. La Russie et la Chine comptant parmi les plus grands pourvoyeurs d’armes en Afrique pourront beaucoup aider les pays du Sahel notamment le Mali dans le nécessaire lutte contre la prolifération des armes de guerre qui fait saigner les populations et attise les guerres. Un vieil adage dit « que mieux vaut apprendre la pêche à son ami que de lui offrir le poisson ». Le Mali et les pays du Sahel ne peuvent pas dépendre éternellement des armes vendues par les grandes firmes russes et chinoises, le transfert de technologies de défense et de sécurité (armes légères, drones, radars de détection terrestre, médecine militaire…) doit être au cœur d’une vraie collaboration franche et décomplexée. Il y’a heureusement beaucoup d’autres secteurs, comme l’énergie nucléaire pour l’autonomie énergétique du Mali ou bien même le parc industriel, et sujets stratégiques sur lesquelles une réelle coopération avec ces deux puissances pourrait s’établir en sevrage avec les mauvaises méthodes d’assistanat classique auquel le Mali s’est habitué. Malheureusement les autorités militaires de la transition semblent disposées à continuer dans la droite ligne des décisions uniquement tactiques qui n’ont pas de lendemains devant elles.

Daouda Kinda, Analyse des questions de sécurité internationale.

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