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Réconciliation et/ou Justice : Doit-on choisir ?

Réconciliation et/ou Justice : Doit-on choisir ?

De la commission vérité́, justice et réconciliation en Afrique du sud il y a quelques temps, à son homologue au Mali, en passant par de nombreuses instances mises en place ici ou là dans l’histoire récente de l’Afrique, la notion de réconciliation est devenue un objectif constant de l’action de nos Gouvernants.

Il est vrai que l’Histoire tumultueuse du continent, faite de violence, de conflits sociaux, de guerres civiles, de rebellions… est une source de tensions vives et de divisions dans les pays. Avec l’ouverture démocratique, les conflits politiques, à travers notamment leur ethnicisation, ont polarisé le débat autour des questions identitaires. Les groupes et leurs leaders en sont devenus des acteurs politiques à part. Ils se donnent réciproquement une légitimité́ basée sur l’ethnie et ouvrent par la même occasion des tensions vives entre les groupes humains dans leur pays. Le politique n’hésitant pas à brandir la menace contre le groupe à chaque fois qu’il est en posture difficile. Lui-même et son groupe en deviennent ainsi à la fois les otages et les geôliers, les uns des autres.

La nécessité d’apaiser les esprits et de calmer les tensions, conduit à la convocation de la réconciliation. Elle devient ainsi un mot magique utilisé par tous et dans tous les contextes, presque partout aujourd’hui en Afrique. Comme s’il suffisait de l’évoquer pour obtenir un calme relatif dans le pays concerné !

Pourtant, si l’on parle autant de réconciliation, et depuis plusieurs décennies, c’est parce que nous ne sommes pas réconciliés et, peut-être, nous n’avons pas su ou pas voulu engager les chemins qui mènent à la réconciliation, la vraie !

A l’exception notable de l’expérience sud-africaine, reconnue comme positive sur le continent et au- delà̀, les nombreux autres processus engagés, au mieux, patinent sinon échouent. Il est vrai que l’expérience sud-africaine était simple à mener, nonobstant les crimes terribles de l’apartheid, car le pouvoir d’État appartenait aux victimes, les objectifs étaient clairs et une partie des bourreaux étaient prêts à collaborer. Le chemin étant très clairement défini, la gestion en fut aisée.

Dans les processus de réconciliation lancés ici ou là, bien que l’on parle de justice, il faut malheureusement constater que nous nous orientions presque toujours vers la réparation et le versement de compensations aux victimes. Et cela est souvent mis en œuvre dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes en termes de transparence, d’effectivité́ des paiements, d’équité, etc.

On ne parle presque jamais de justice ! Or sans elle, les auteurs de violences demeurent impunis, ce qui les encourage ainsi que d’autres, à poursuivre leurs méfaits. Cela crée chez les victimes un sentiment réel d’injustice et suscite en elles, progressivement, une volonté́ de se venger, ce qui prolonge le cycle de violence.

Le Mali a vécu des cycles de rébellion de 1991 à nos jours, occasionnant des pertes en vies humaines et des destructions de biens. A chaque fois, l’engagement d’un processus de paix a momentanément circonscrit les confrontations armées. Malheureusement, ces processus ont oublié la justice. L’une des conséquences de cela est qu’en 30 ans, la violence s’est accrue et le nombre de victimes aussi ! Les conflits irrédentistes ont progressivement muté vers des violences intercommunautaires au centre du pays, sur fond de terrorisme, avec des massacres perpétrés. Les nombreuses actions pénales engagées demeurent non abouties à ce jour.

Eu égard à ce qui précède, Il est peut-être souhaitable de donner plus de place à la justice, à la repentance des auteurs et à l’administration de sanctions.

Nous avons également tendance à politiser la résolution des conflits, en donnant trop de pouvoir aux fortes personnalités leaders de groupes belligérants, en estimant que ceux-ci peuvent contribuer à calmer les tensions. Par-là̀, on oublie qu’ils doivent, pour certains d’entre eux, leur existence politique à leurs groupes et, pire, à ces tensions. Ils n’apaiseront les troubles que pour donner le change et n’hésiteront pas à les exacerber en sourdine pour continuer à apparaitre comme des solutions. Il en résulte des processus incessants de paix-négociations-accords-confrontations-paix…. Les trop longs processus de paix dans plusieurs pays illustrent cela et, quelques fois, c’est la disparition physique du leader charismatique qui permet d’ouvrir un véritable chapitre de paix et de réconciliation !

Eu égard à tout ce qui précède, il est indispensable de faire moins de place à ces pompiers pyromanes et donner plus de chance à la justice pour obtenir des opportunités réelles de pacification de nos sociétés et de nos pays. Il est tout aussi utile de nous inscrire dans un processus d’amélioration continue de notre outil de justice, qui doit être crédible, indépendant et fondé sur nos valeurs.

Nous avons enfin, l’habitude de parler de réconciliation pour mieux endormir les populations face aux difficultés quotidiennes. En effet, les initiateurs de ces processus font mine d’oublier que dans leur immense majorité́, le souci des populations, au-delà̀ de l’histoire et du passé, est aussi et surtout fondé sur le souhait de vivre en sécurité́, d’avoir de quoi se nourrir, avoir un emploi et croire en de lendemains meilleurs. Autrement dit, la justice économique et sociale constitue l’aspiration légitime des Africains. C’est pourquoi, ces tentatives maladroites de réconciliation nationale restent généralement incomplètes sans la justice et sans une gouvernance efficace et de ce fait, sonnent généralement creux et débouchent sur des impasses.

Moussa MARA www.moussamara.com

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