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Konimba Sidibé : « Acter la fin de la transition militaire et engager le Mali sur une voie crédible de sortie de crise »

Konimba Sidibé : « Acter la fin de la transition militaire et engager le Mali sur une voie crédible de sortie de crise »

Le décret d’application de l’article 22 de la Charte de la transition, adopté le 06 juin 2022, a fixé la fin de la gouvernance de transition du Mali au 26 mars 2024. Et puisque nous sommes le 02 avril 2024, il faut acter la fin de transition militaire et engager la gouvernance publique sur une voie crédible de sortie de crise.

 Savoir si la transition militaire a pris fin le 26 mars 2024 fait actuellement l’objet d’un débat focalisé principalement sur la dimension juridique de la question alors que celle-ci comporte une autre dimension tout aussi importante : le respect ou non par les gouvernants d’un pays de leurs engagements, des autorités militaires dans le cas d’espèces qui ont pris le pouvoir par la force armée. C’est cette dimension qui m’importe ici.

Rappelons d’entrée de jeu cette vérité simple : toute relation sociale, politique ou économique entre acteurs est fondée sur la confiance qu’ils s’accordent mutuellement. Cette confiance est elle-même basée sur le respect par chacun de ses engagements, sa parole donnée (jusqu’au serment), sa signature. Et quand un acteur est pris à défaut d’honorer ses engagements, sa parole donnée, son serment, il perd la confiance des autres. Si les autorités militaires de transition du Mali gardent le statu quo sur la fin de la transition en se contentant d’une situation de fait, on peut sans risque de se tromper affirmer qu’elles perdront la confiance des nombreux acteurs jouant un rôle majeur dans notre pays parce qu’elles auront été pris à défaut, plus d’une fois, sur le respect d’au moins deux de leurs engagements : la mise en place d’une transition civile et le retour du pays à l’ordre constitutionnel normal dans des délais qu’elles ont-elles-mêmes fixés librement et repoussés aux calendes grecques par la suite. Évidemment que cela ne peut que rappeler un autre triste épisode de la gouvernance de notre pays par des militaires qui ont pris le pouvoir et s’y sont maintenus par la force pendant vingt-trois ans après avoir promis que leur transition ne durerait que six mois, la suite de cette histoire est connue.

Avec cette perte de confiance aux autorités militaires de transition, ce sera l’impasse garantie quant à la sortie du pays de la crise multidimensionnelle dans laquelle il est empêtré depuis plus d’une décennie. Pire il est fort à parier que cette crise s’aggravera. Comment gouverner un pays, apporter des solutions d’urgence aux problèmes cruciaux que connaît le Mali sans la confiance de tous les acteurs de la gouvernance publique ? Cela relève de l’impossible.

Quels sont ces problèmes cruciaux ? Il s’agit de : (i) la crise sécuritaire ; (ii) une très dure crise de l’électricité comme le pays n’en a jamais connue ; (iii) la crise des finances publiques ; (iv) le dénuement de plus en plus grave en personnel et moyens matériels des établissements d’enseignement publics, des centres de santé et hôpitaux ; (v) le déficit des finances publiques et l’explosion de la dette publique ; les conditions de vie de plus en plus dure des populations en raison de la crise économique et la cherté de la vie. Pour ne citer ceux-là.

Et qui sont les acteurs de la gouvernance dont la confiance aux autorités militaires de transition compte tant ? Ce sont : (i) les partenaires sociaux (syndicats de travailleurs et CNPM) ; (ii) les partis politiques ; (iii) les organisations de la société civile ; (iv) les pays de la sous-région ; (v) les Partenaires Techniques et Financiers du Mali (bailleurs de fonds) ; (vi) les acteurs des marchés financiers sur lesquels le Mali peine désormais à mobiliser 25 milliards, une somme modique au regard du déficit du budget de l’État et de la somme de 1400 milliards que le gouvernement compte emprunter cette année; (vii) les opérateurs économiques maliens qui sont aujourd’hui les premiers investisseurs dans certains pays de la sous-région (cela s’appelle la fuite des capitaux consécutive au niveau très élevé du risque pays Mali, sans investissement il n’y a pas d’issue au problème du chômage massif des jeunes unanimement considéré comme l’une des source d’alimentation des terroristes en combattants. Il ne fait aucun doute que le statu quo sur la fin de la transition militaire synonyme d’une transition à durée indéterminée (la transition ne prenant fin qu’avec l’élection du Président de la République, une élection laissée au libre arbitre d’autorités militaires qui n’ont jusqu’à présent pas montré la moindre volonté d’y aller) expose le Mali au pire.

Et au bout du compte, et plus important que la confiance des acteurs sus cités, c’est la confiance du peuple aux autorités de transition qui s’effritera quand il comprendra que les promesses des autorités militaires n’engagent que ceux qui y croient et non ces autorités, quand la crise atteindra des dimensions insoutenables, quand il comprendra que les autorités militaires de transition sont tombées dans le travers faisant du maintien au pouvoir la seule finalité de la gouvernance, du déjà vu évidement. Il se posera alors la question de savoir pourquoi vouloir rester au pouvoir coûte que coûte et il comprendra. Et il se rappellera alors que les auteurs d’un autre coup d’état militaire ont promis au peuple malien une transition de six mois en 1968 pour se taper vingt-trois ans de règne d’une dictature féroce de répression impitoyable de tous ceux qui ont voulu s’opposer à leur forfait (des assassinats, des massacres de masse, des embastillements dans des conditions effroyables, des exilés pour sauver leur vie, etc.). Que de vies humaines brisées. Et pourtant cela n’a pas suffi à changer le sens de l’histoire qui est le progrès humain dans la longue durée, certes semé de périodes de régression plus ou moins longues, plus ou moins dures à supporter. La dictature a été vaincue au Mali en mars 1991, le peuple malien a retrouvé sa liberté et sa souveraineté dont l’une des expressions ultimes est le libre choix de ses dirigeants.

Que les autorités militaires de transition sachent qu’elles n’ont pas fait face à des contestations populaires de grande envergure jusqu’à présent parce que le peuple a cru en leurs promesses, en sa volonté de n’être qu’un pouvoir de transition décidé à régler des problèmes majeurs dans le délai qu’elle s’est librement donné. C’est pour cette raison que les maliennes et les maliens ont fait preuve d’une incroyable résilience et non pas parce qu’ils ont peur de la machine de répression et d’intimidation de l’État. Nous ne sommes pas et n’avons jamais été un peuple de lâches. Jamais ce peuple n’acceptera la servitude volontaire ou imposée par la force des armes après avoir conquis sa souveraineté et ses libertés au prix de sacrifices énormes, au prix du sang de ses martyrs (liberté d’opinions, liberté d’expression, liberté d’association, liberté de s’opposer aux pratiques de gouvernance inacceptables, liberté de choisir librement ses dirigeants). Les légendaire fierté et courage du peuple malien reprendront le dessus, inévitablement. Et puis, que les autorités militaires de transition se rappellent deux choses : le pouvoir absolu finit par corrompre absolument ; la période de grâce synonyme de soutien aveugle du peuple à ses dirigeants à un terme et l’usure du pouvoir n’épargne aucun régime.

Cependant, le pire peut toujours être évité, c’est la leçon importante qu’il faut tirer des confrontations politiques au Sénégal de ces deux dernières années et l’élection comme nouveau Président de la République un opposant radical au Président en poste. Faisons en sorte que toute l’Afrique et le monde entier soient fiers du Mali dans la résolution de sa crise comme pour le Sénégal. Et c’est possible. A condition de sortir de la logique de confrontation jusqu’à la neutralisation de l’une des parties en présence, à condition de n’avoir le Mali que seul souci, à condition que la jeunesse malienne comprenne que c’est son avenir qui est en jeu. Mettons le Mali au-dessus de tout pour le sauver du pire, pas en paroles seulement mais surtout en actes.

Konimba Sidibé, économiste et homme politique

 

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